366 jours pour regarder autrement : raconter une histoire en photo

Projet 2024-366 : Catharsis et Résilience, la métaphore de la métamorphose du papillon

De l’immersion dans l’intime à la plus banale observation de scène de rue… un an dans les méandres d’une de mes activités photographiques.

Il y a des moments où l’appareil photo devient plus qu’un outil. Il devient prolongement de soi. Une ancre, un exutoire, une mémoire sensible.

En janvier 2024, j’ai commencé sur un coup de tête, une série photographique sans trop savoir jusqu’où elle me mènerait. Une photo par jour. En noir et blanc. Format paysage. Toujours au 35mm. Pas de triche, pas de retour en arrière. Un cadre, une discipline… et très vite, une nécessité.

Ce projet m’a tenu ou peut-être est-ce moi qui me suis tenu à lui ?

Il m’a accompagné au cours d’une année mouvementée : la maladie, le deuil, l’incendie de la maison familiale, l’abandon de mon activité salariée (qui n’avait plus de sens…).

Il a aussi traversé la lumière, les gestes ordinaires, les rencontres, les éclats de vie dans les silences du quotidien. L’opportunité de nouvelles histoires, des liens renforcés avec certaines et certains, mais aussi de l’éloignement d’autres, parfois comme une longue agonie programmée, une rupture dont on tente de garder le meilleur, sans occulter le pire.

Créer sous contrainte : l’élan plutôt que la limite

J’ai souvent pensé que la liberté nourrit la créativité.
J’avais trop longtemps oublié combien la contrainte peut en être le moteur. En 2016 déjà, j’avais tenté l’expérience de produire une photo par jour sur une année, la seule contrainte : obtenir une photo toutes les 24h. Le patchwork qui en résulte est intéressant, j’avais cependant envie de plus… M’imposer un cadre clair en plus du rythme quotidien, un outil constant, une esthétique affirmée, cela m’a forcé à chercher, jour après jour, de nouvelles manières de voir. À regarder plus  attentivement. À ressentir plus profondément.

La répétition n’a jamais été monotone.
Elle a été un terrain d’expérimentation, parfois douloureux, mais toujours récompensé.
Chaque jour, je découvrais une nouvelle facette de mon environnement, les gens autour de moi, les reflets d’une lumière fugace sur un mur, un regard volé dans un train, dans la rue, dans le couloir des bureaux.

Tenir le rythme : rigueur, fatigue et petites victoires

Il y a eu des jours où je n’avais rien à dire, rien à voir. Où mon corps disait non, où l’envie vacillait. Et pourtant, chaque jour, je me suis astreint à photographier.
Pas toujours avec génie. Parfois même sans émotion, sans conviction sur le moment, même avec découragement parfois. Aujourd’hui, en regardant les images après coup, je mesure leur valeur : elles sont là. Témoins d’un instant, de mon quotidien. 

Certaines sont devenues centrales dans la série. D’autres, plus discrètes, ont trouvé leur place dans la trame. Tenir, ce n’est pas faire beau chaque jour. C’est apprendre à faire juste.
Et, par la répétition, j’ai aussi affiné mon regard, posé mes propres repères, gagné en exigence, sans (trop de) rigidité.

La photographie, mémoire du sensible.

Ce projet est devenu une forme de journal. Pas un journal illustré, non. Plutôt une écriture à l’image, intuitive, instinctive. L’appareil a capté ce que je n’avais pas toujours les mots pour dire.

Je n’ai pas tant chercher à documenter ma vie, mais plutôt à en recueillir la texture, le grain, les ruptures, les tendresses. Ces photos sont des fragments, des échos, des confidences visuelles. Elles parlent d’absence et de présence. D’instants partagés, parfois avec des inconnus, d’autres fois, avec celles et ceux qui composent (ou composaient) mon quotidien.

Catharsis photographique et résilience émotionnelle

La série a pris une autre dimension à mesure que la vie m’imposait ses épreuves.

Je ne l’ai pas interrompue. Au contraire, j’y ai trouvé un refuge. L’acte photographique est devenu un geste de survie émotionnelle. Comme si, en construisant un récit, même discret, je tentais de redonner un peu d’ordre au chaos.

Dans mes accompagnements photo, j’insiste souvent sur cette idée : photographier, c’est s’autoriser à ressentir. C’est laisser de la place à ce qui nous traverse, même si ça déborde un peu.

Au fil de cette année, la technique est restée présente — mais elle n’était plus le centre. J’ai laissé une large place à l’intuition. Je me suis parfois affranchi des règles de composition, d’exposition, de netteté. Parce que l’image, dans sa justesse narrative, ne demandait pas plus.

Paradoxalement, cette liberté m’a rendu plus rigoureux. L’œil s’est affiné. Le cadrage est devenu plus instinctif. La sélection plus cohérente.

Raconter une histoire avec ses images, c’est accepter de faire confiance à son regard, à ce qui vibre sincèrement en nous plutôt qu’à ce qui impressionne. C’est puiser dans les codes de l’universalité ce qui nous rend unique, sensible, et nous fait nous sentir vivant.

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